Ne classez plus vos photos.

Voilà une affirmation volontairement provocatrice, surtout après deux articles sur la gestion des photos et leur classement. Mais la considération est bien réelle : pourquoi classe-t-on encore ses photos ? Pourquoi chercher à les renommer, les ordonner dans des répertoires eux même avec des noms parlants, souvent redondants ? Ne sommes nous pas au XXIème siècle ? Les photos ne sont elles pas numériques, gérées par des systèmes informatiques ? Alors voyons quels sont les outils et méthodes à notre disposition, tout en sachant qu’il faudra un peu classer ses photos…

Nommer et classer ses photos

Commençons par le commencement, pourquoi classer une photo ? Il y a plusieurs raisons, mais avant tout il faut se placer dans notre contexte : la photo numérique. Une photo numérique est un fichier informatique, qu’il va falloir identifier et retrouver dans son système de fichiers. Partant de là, nous avons les considérations suivantes :

  • Identifier de manière spécifique la photo. Chaque photo est un fichier, et son nom permet de choisir le bon fichier quel que soit l’interface utilisée. Le nom « absolu » (c’est à dire le nom du fichier mais aussi l’arborescence des répertoires où il se situe) est unique.
  • Identifier son contenu. Peu importe le nom, ce qui nous intéresse avant tout, c’est le contenu de la photo. On souhaite donc rapidement trouver un thème, un évènement… Cette identification de contenu peut aussi bien être incluse dans le nom du fichier que construite dans l’arborescence des répertoires.
  • Ordonner ses photos. Comme je l’ai introduit dans un article précédent, le nom automatique donné aux fichiers par les appareils photos ne permettent pas toujours de suivre le fil qui doit être représenté. Choisir une bonne séquence permet de suivre le fil, qu’il soit chronologique ou autre.
Chateau Pierrefond

Le chateau de Pierrefonds en avril 2008 (D.Stankovski).

Pour répondre à ces différentes attentes, on voit par exemple une organisation du système de fichiers par années, puis par événements. Les fichiers sont nommés en fonction de la date de prise de vue et/ou une séquence, et peut être un rappel du contenu. Ainsi il est d’apparence facile d’utiliser et retrouver ses photos. Les thèmes se retrouvent par la recherche de fichiers, l’affichage se fait par ordre chronologique, et l’identification semble efficace.

Les limites de cette approche.

Cette approche, bien que pratiquée depuis des années, a le même limite que le moyen technique qu’elle utilise : il n’y a qu’un chemin pour arriver au fichier. Pire, le classement rigidifie la collection. En effet, si je veux les photos de ma visite du chateau de Pierrefonds en 2007, je les trouverai dans le répertoire Pierrefonds lui même dans le répertoire 2007. Si je veux celles de ma visite en 2008, il s’agira du répertoire Pierrefonds dans le répertoire 2008. Mais si je veux toutes les photos de Pierrefonds ? Aïe, là ça coince… Oui on peut dire que les outils de recherche peuvent aider, mais de manière limitée.

De même, cette méthode de classement limite la quantité d’informations associées à une photo. Donc elle limite aussi la qualification d’une photo. Comment retrouver uniquement les photos des enfants à Pierrefonds ?

Les limites du système de fichiers, l’ajout de métadonnées

Évidemment, nous appliquions pendant longtemps ce que la technique mettait à notre disposition. Mais nous avons aussi pris l’habitude de l’utilisation de ce système de fichiers, notion très technique et peu fonctionnelle. Sa vulgarisation nous a habituée à la vulgarisationfichiers et dossiers, concepts plus concrets. Mais nous avons oublié que même si les notions de document et dossiers sont issues du monde réel, elles sont rarement isolées. Même si dans une bibliothèque, les livres (fichiers) sont classés par titres dans des rangées par thèmes (dossiers), on a des fiches classées par auteur qui permettent de retrouver le livre. Au système de classement, s’ajoute un autre critère extérieur.

Sous un Mac, cette approche est possible. Dans le Finder (le gestionnaire de fichiers), on peut créer des Smart Folders. Il s’agit de répertoires virtuels, c’est à dire que leur contenu est sélectionné dynamiquement selon des critères de recherche. Parmi ces critères, il est possible d’exploiter les données EXIF. L’illustration suivante montre ainsi un répertoire dynamique référençant toutes les photos au format jpg prises au mois de mai 2011 avec déclenchement du flash. De même, on peut choisir les clichés de la même période prises sans flash mais avec une sensibilité ISO supérieure à 800. Cette notion de répertoires virtuels montre bien l’aspect obsolète du système de fichiers tels que nous avons l’habitude de l’utiliser et propose une approche plus dynamique où le classement initial (technique) a peu d’importance. L’importance est d’accéder à l’information par critères.

Smartfolder

Les critères de configuration d’un smart folder pour la photo.

Les logiciels dédiés, les gestionnaires de contenu.

Malgré l’exemple précédent, l’utilisation d’un simple gestionnaire de fichiers est très limitée. La photo n’est pas un simple fichier standard, mais un contenu qui peut comporter des métadonnées très riches : ExifXMP et données IPTC pour les données standardisées. À ces données liées aux photos, il faut penser aux données externes tel que la reconnaissance des visages, les notations, l’étiquetage… Il faut aussi bien pouvoir accéder à ces données, mais aussi les modifier, les exploiter… On doit donc passer aux logiciels dédiés.

Ces outils de gestion de photo font parti de la grande famille des gestionnaires de contenu. Au sein de ces outils, la caractérisation et l’état des documents est plus important que leur nom ou leur emplacement (qui sont des critères parmi les autres). Les ténors sont Lightroom, d’Adobe, et Aperture, d’Apple. Digikam se pose en challenger, disponible dans le monde Linux et intégré au projet KDE. D’autres plus grand publique, tel que Picasa, de Google ou iPhoto, d’Apple, sont des solutions grand publique très acceptables et peu onéreuses mais possèdent des limites bien plus importantes.

Ces outils vont offrir une sélection similaire à celle des Smart Folders, qui s’appelle une Collection Dynamique dans Lightroom, un Album Intelligent sous iPhoto ou Aperture, ou simplement des Recherches dans Digikam. Toutes ces dénomination sont fonctionnellement la même chose : générer un espace hébergeant une collection de photos selon des critères de sélection. La localisation du fichier n’a plus d’importance. La géolocalisation, la reconnaissance des visages,les étiquettes (tags) voir même des légendes, vont ajouter un ensemble de critère de qualification sans équivalent. Ainsi, ni le nom ni l’arborescence n’a d’intérêt dans la recherche d’une photo. Tout est dans la qualification.

Comment gérer ses photos maintenant ?

À moins d’utiliser un Mac qui prend en charge la récupération des fichiers à partir de l’appareil photo (mais qui ne le fait pas pour toutes autre source), on doit toujours ranger ses fichiers dans son système de fichiers. Pour ma part, j’ai opté pour un rangement chronologique. J’ai un répertoire avec des dossiers par année, et chacun peut contenir des dossiers par évènement. En fait, je sépare aussi les photos personnelles (prise par moi ou par la famille) de celles des autres, ainsi que les photos personnelles des professionnelles. Chaque photo est renommée selon sa date comme je l’ai expliqué dans mes précédents posts.

Commence alors un travail important de sélection et qualification. Vous devez toujours faire une passe pour juger de la pertinence de la photo. Comme à l’époque de l’argentique, une photo ratée doit être jetée. Tous les logiciels permettent d’apposer un drapeau « rejeté » qu’il faut utiliser pour cette passe. Sinon, on peut jouer sur une première notation à l’aide des étoiles (une = rejet).

Géolocalisation

La géolocalisation en Irlande avec Aperture.

Les différentes qualifications que l’on peut faire sont les suivantes :

  • Reconnaissance des visages : cette fonction permet d’identifier les acteurs des photos. Elle permet de regrouper les photos par une personne. Si cette fonction n’est pas disponible sous tous les outils (Lightroom ou DigiKam avant la version 2), on peut simplement utiliser les tags (étiquettes) (c’est ce que fait DigiKam).
  • Dater la photo : sauf si il s’agit de numérisation, c’est complètement inutile du fait que la date de prise de vue est insérée en tant que données EXIF. En cas de mauvais réglage de l’appareil, il faut par contre corriger cette date.
  • Géolocaliser la photo : ceci va permettre de situer la photo sur une carte. Aperture et DigiKam permettent justement d’afficher les photos sur une carte. pour géolocaliser sa photo, l’idéal est d’avoir eu un GPS actif qui enregistre votre position lors des prises de vue. De nombreux outils peuvent alors associer une coordonnée géographique à une photo en faisant des rapprochements par l’heure de prise de vue. Sinon, Aperture ou DigiKam permettent de géolocaliser les photos manuellement.
  • Noter la photo : tous les outils proposent un système de notation par étoiles (de 0 à 5). Cette note très subjective permet d’exprimer une opinion globale sur la photo. Le critère de notation est personnel.
  • Légender la photo : certains outils permettent d’ajouter une légende, un descriptif. Comme la note, le contenu est de l’appréciation de l’auteur mais devrait donner de manière succinte une information sur la photo.
  • Tagguer (étiqueter) les photos : les tags, ou étiquettes, sont des mots (qui peuvent être composés) servant à qualifier une photo. Le réel défi est de savoir quel tag choisir. Si je l’ai mis en fin de liste, c’est qu’ils ne devraient pas être redondants avec d’autres champs. Ainsi, à mon sens, elles ne devraient pas contenir d’informations temporelles type matin ou soir (ce qui est déterminé par l’heure de prise de vue), mais peuvent contenir des qualificatifs liés, comme par exemple « coucher de soleil ». Ils permettent donc de qualifier le contenu d’une photo : coucher de soleil, paysage, portrait, sport…
  • Ajouter toutes les données légales : auteur, copyright, etc, etc. Avec les métadonnées IPTC, il est possible d’ajouter ce genre d’informations. elles ont surtout un intérêt lors de la diffusion des photos.

Un gain pour l’accès aux photos.

En utilisant un classement par système de fichiers, on peut difficilement filtrer ou être exhaustif. Avec renseignant des photos, on peut plus facilement accéder à la sélection pertinente. On veut voir des photos du mariage de la semaine dernière ? on se place dans le répertoire de l’évènement et on filtre par la notation 4 étoiles ou plus pour ne pas endormir son publique par les clichés ennuyeux. Mamie passe à la maison et veut voir les photos des petits depuis son dernier passage ? On filtre toute sa collection avec le critère « date après » la date voulue et avec les visages des petits (ou le tag famille par exemple). Cette même procédure peut être valable pour la publication de ses travaux).

La seule limite se situe au niveau de la géolocalisation. Seul Aperture, permet une réelle sélection par lieu du fait qu’il associe des informations plus parlantes que des coordonnées (nom de pays, région, ville…). Sélectionner les dernières photos de Suisse par exemple n’est pas facile sur les autres logiciels qui n’exploitent finalement ces données que pour placer les photos sur une carte, directement ou indirectement.

En conclusion

Même si les habitudes ont la vie dur, il est temps de commencer à utiliser les outils mis à disposition pour se faciliter la vie. Les anciennes méthodes de classement par système de fichier n’ont plus vraiment lieu d’être une priorité, et doivent être enrichies par la possibilité de caractériser chaque cliché. C’est un gros travail, c’est vrai, même si beaucoup d’actions sont automatisées ou applicables à une série de photos. Le résultat en vaut vraiment la chandelle à l’exploitation.

la démarche a cependant une limite. Malgré l’existence des données standardisées qu’il est possible d’enregistrer dans certains types de fichiers (la question de savoir si on doit effectivement enregistrer les données dans les fichiers est un autre débat) et qui se comportent comme les tags des fichiers mp3, d’autres ne exploitées de manière spécifique par les différents logiciels. Il est alors difficile de migrer sa collection d’un outil à un autre ou de partager son travail. Mais c’est possible, et ce sera l’objet d’un autre article.

Et vous, quelle approche avez vous choisi ?

À propos de... Darko Stankovski

iT guy, photographe et papa 3.0, je vous fais partager mon expérience et découvertes dans ces domaines. Vous pouvez me suivre sur les liens ci-dessous.

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2 réponses

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