L’heure de code et la sortie scolaire en Apple Store

Logo Code.orgCette semaine d’apprentissage des sciences informatiques impliquent également quelques acteurs industriels ou disons, commerciaux. Parmi eux, il y en a un qui n’a pas fait trop de bruit : Apple. En marge des évènements Hour of Code, Apple organise des ateliers gratuits dans tous les apple Store. Ces ateliers sont évidemment animés sur leur produits avec Swift Playground. Ces ateliers sont ouverts à tous et avec la faible implication française, il pourrait être plus simple de rejoindre un de ces ateliers.

Mais saviez vous que ces ateliers n’étaient pas limités à cette semaine et qu’il était possible d’organiser une sortie scolaire dans un Apple Store ? Cette possibilité existe depuis l’ouverture des premiers Stores en 2009, mais pour ma part, je ne l’a découvert que fin 2016 après qu’un enseignant ai interpelé à ce propos la Ministre de l’Éducation Nationale. Pour lui, ces sorties n’étaient rien d’autre qu’une publicité déguisée.

Avec un iPad, tu code à plat-ventre ton Sphero (Apple)

Je voulais rédiger un billet à l’époque pour souligner le prosélytisme de la critique et les conséquences contraires à l’intérêt des élèves, mais je manquais un peu de recul. J’utilise également le passé car un an et demi plus tard, France Info, qui avait relayée cette critique, a publié un reportage sur ces sorties scolaires. Le 7 mai, Marianne rapportait que l’Éducation Nationale a fini par interdir ces sorties.

D’un coté, cela règle la polémique commerciale, point qui a focalisé les médias. Mais d’un autre, s’est on réellement posé les questions du contexte où nous devons former nos écoliers au numérique des possibilités qui sont offertes aux enseignants et aux Kids ? L’ensemble rejoint mon inquiétude quand à la préparation de nos kids pour le monde de demain.

Il est évident que l’école, comme le rappelle le Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale du 5 avril 2001, se doit du respect du principe de neutralité commerciale. Celui-ci impose que l’école ne soit pas un levier de démarchage. Cela n’exclut pas un partenariat entre une école et une société, ce qui est cadré par plusieurs textes.

Alerte d’enseignant… Pas tout à fait

Lorsqu’en 2016 France Info relayait cette information, ils s’appuyaient sur le billet d’un enseignant d’histoire-géographie dans un lycée de Seine et Marne, Paul Vannier. Mais Paul Vannier n’est pas un enseignant ordinaire. À cette époque, il était également le secrétaire national du Parti de Gauche à l’éducation puis est devenu Orateur national de la France insoumise. Son blog n’est pas celui d’un enseignant. Dans son billet, Paul Vannier ne s’exprimait donc pas uniquement comme un enseignant qui dénonce certaines pratiques, mais comme un représentant politique en campagne. La conséquence est un billet à sensation, dénonçant une pratique en interpelant les politiques mais sans se soucier de la pertinence réelle de son propos.

France Info, La démarche en question

Le dernier reportage de France Info présente en caméra-cachée ce qu’est une sortie scolaire en Apple Store. Comme tout bon journaliste à sensation, le reportage s’attarde sur les T-Shirts et clef USB au logo de la marque. La disponibilité d’iPads en nombre ressemble plus à de la critique qu’à une qualité… Forcément, si on n’a pas 4 enfants sur une machine, on n’est pas dans l’esprit Education Nationale…

Le journaliste n’a pas présenté le thème de la sortie, mais on devine qu’il est lié à la programmation de robots car Apple utilise un Sphero SPRK+. Et ça aussi, ce n’est pas au goût du journaliste car il proposé en vente dans les Apple Store.

Si on résume, Apple est coupable d’animer un atelier sur ses produits et ceux de ses partenaires et de distribuer des cadeaux avec son logo discret. J’insiste sur le côté discret car c’est justement supposé être toléré par la législation, législation qui autorise ce type de partenariat où justement, l’industriel fournit du matériel.

On va tout de même rappeler que sur iPad, Apple propose l’app Swift Playgrounds que je vous avais présenté comme app d’apprentissage de la programmation. Swift Playgrounds permet de montrer les rudiments de la programmation, mais depuis l’année dernière, l’app permet également la programmation de robots. Le Sphero SPRK+ est un des robots pris en charge, tout comme le LEGO Mindstorms ou certains drones Parrot. Mais si nous regardons bien le reportage, pour le Sphero SPRK+, Apple anime cette activité avec l’app de Sphero Edu.

Ce qu’Apple n’a certainement pas dû dire aux écoliers, c’est que le Sphero n’est pas une exclusivité Apple, vous pouvez aussi le trouver par exemple sur Amazon (et en passant, Sphero propose aussi des robots BB-8, BB-9 et R2-D2 également programmables). L’app Sphero Edu n’est pas non plus exclusive iOS, vous pouvez aussi l’utiliser sur Android. Ni Marianne ni France Info n’ont jugé utile de considérer ce fait.

France Info oublie également de préciser dans son reportage que ces sorties sont axées autour d’un projet entre la classe et le store. Et oui, je suis allé me renseigner en magasin. Mon interlocuteur m’a dit avoir participé à une animation dont le sujet était le montage vidéo. Si la classe qu’accompagnait France Info avait demandé une initiation à la programmation de robots, je ne vois pas ce qu’Apple aurai pu proposer d’autre…

Il n’y a pas besoin d’Apple pour enseigner

C’est mot pour mot ce que dit l’inspecteur de l’Éducation Nationale Paul Devin. C’est exact si les écoles sont équipés et les enseignants formés.

Le journaliste de France Info a relevé à ce titre qu’une mairie de Paris organise des cours de codage ouverts aux écoles de l’arrondissement.

C’est bien, ces cours ne se passent pas dans un magasin et sont dispensés par des agents municipaux. Mais ce que l’on peut voir de l’article pris en référence, c’est que d’une part ces cours sont limités dans le temps (mois de mars). D’autre part, ce cours concerne le robot Nao d’Aldebaran SoftBank. Certes, Aldebaran SoftBank ne commercialise pas Nao auprès du grand public mais bien que Nao soit une petite merveille, il demeure un produit. Même proposé en animation par une mairie.

De ce fait, ces cours sont peut être même plus critiquable que les ateliers d’Apple puisque les enfants n’auront pas la possibilité de mettre en pratique ce qu’ils ont appris.

Il n’y a pas besoin d’Apple pour enseigner mais de Microsoft

Au fait, quel est l’équipement des écoles ? Pour ma part, j’ai toujours vu du PC sous Windows avec les outils de bureautique Microsoft.

Et d’ailleurs, en 2015, le gouvernement a signé un accord avec Microsoft dans le cadre du numérique dans les écoles. Cet accord prévoit la fourniture gratuite de suites logicielles, la formation des enseignants à ces outils et l’apprentissage du code informatique. Cet accord a été signé sans aucun respect du code des marchés publics transformant ainsi l’Éducation Nationale en centre de formation aux produits Microsoft.

Si le positionnement de multinationales au sein de l’Éducation Nationale était réellement un problème, cet accord doit être dénoncé. Plusieurs associations ont d’ailleurs porté plainte et cette plainte a été rejetée en septembre 2016. À ce sujet, pas un mot sur le blog de l’ancien secrétaire national du Parti de Gauche à l’éducation et actuel orateur national de la France Insoumise ni de reportage sur France Info.

Un partenariat est une promotion

Il ne faut pas se leurrer, impliquer un éditeur consiste à en faire la promotion. La publicité n’est qu’un aspect de cette promotion car lors d’une formation, il ne s’agit pas uniquement de vanter des produits. Une fois que vous êtes habitué à un logiciel, il est difficile d’en changer. Et je n’aborde même pas le cas de la dépendance à un format de fichier incompatible avec les autres.

Un Raspberry Pi 3 (Raspberry Pi Foundation)

En théorie, il est possible de se reposer d’équiper les écoles avec la solution la plus neutre possible : le Raspberry Pi. Pour 60 €, boitier compris, nous avons une plate-forme complète. Pas besoin de partenariat douteux avec Microsoft, pas besoin de sorties en Apple Store.

Mais ceci nécessite une formation et une bonne volonté de tous les acteurs, des décideurs aux enseignants en passant par les municipalités (qui ont la gestion des primaires). Or, malgré le lancement d’un Plan Numérique il y a plus d’un an, la mise en œuvre tarde. Les enseignants ne sont pas formés, le écoles ne sont pas équipées. Lorsque l’Éducation Nationale n’a pas les moyens de remplir sa mission, elle doit pouvoir le déléguer à ceux qui peuvent. Plus tôt dans la semaine, j’écrivais que le nombre d’évènements Hour of Code n’étaient pas à eux seuls représentatifs de l’implication d’un pays dans l’enseignaient du numérique, mais en France, nous avons malheureusement peu d’indicateurs rassurants. La sacralisation de l’enseignement et la défiance face au privé vont certainement être plus que dommageables.

Il n’y a pas vraiment de solutions aujourd’hui que d’être actif et d’aller soi même chercher les ressources. Le plus difficile est de les trouver. Commencez par faire faire une heure de code. Et pour aller plus loin, offrez à vos Kid un Raspberry Pi et le livre Je programme avec un Raspberry Pi. Si vous avez plus de moyens, offrez leur un abonnement Robobox. Et pour aller plus loin, j’ai dédié une page aux ressources sur le sujet.

À propos de... Darko Stankovski

iT guy, photographe et papa 3.0, je vous fais partager mon expérience et découvertes dans ces domaines. Vous pouvez me suivre sur les liens ci-dessous.

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